Eve le 29 juin - « No cash, no splash »

Notre séjour à Grenade se termine.
Le bateau à été mis à l’eau ce samedi 28 juin sans ses safrans…Dimanche je plongerais pour installer les nouveaux qui devraient être finis.
Revenons aux événements de ces dernières semaines.
On bossait comme des fous, on y croyait encore, les enfants allaient à l’école, les délais allaient êtres dépassés mais ce serait gérable….
On prolonge la location de la maison d’une semaine, cela fera six semaines que nous sommes à Grenade.

Vendredi 20 juin, nous avons été cambriolé dans la maison de location, résultat des courses, un PC en moins (le mieux des deux) la caméra vidéo (pas trop grave, râlant) et le portefeuille d’Edouard avec du cash et bien sûr les cartes de crédit…..
Clément ce jour là s’est réveillé très tôt le matin et venant dans notre chambre nous dit qu’il y a un monsieur qui veut nous voir dans le salon…je le renvoie dormir tout de suite croyant à une ruse pour que je me lève à l’aube…et bien non, il s’est bel et bien retrouvé nez-à-nez avec le cambrioleur et c’est Clément qui l’a fait déguerpir avant qu’il ne prenne le reste.
Donc, plus de carte pour payer, on s’organise pour bloquer les anciennes, commander des nouvelles qu’Arnaud qui vient nous rejoindre en Martinique apportera avec lui.
Déposer plainte à la police, on attend toujours le PV….
Mardi on fait un virement du compte vers le chantier pour payer les frais (après récolte des factures avant que les travaux ne soient finalisés).

Nous sommes samedi et le chantier n’a toujours pas eu notre paiement….grrr (au passage nous félicitons Dexia à Braine-le-Château qui s’est bien démenée pour essayer de débloquer la situation).
Donc, samedi on nous confirme “no cash, no splash”….re-grrrr
Heureusement Arnaud est en possession de la nouvelle carte de crédit d’Edouard, on lui demande les numéros magiques et nous payons la facture une seconde fois….SPLASH

Il est 16h00 et le bateau est à flot sans ses safrans, il flotte, prend un peu l’eau au niveau du loch mais c’est vite réglé.  On remet les frigos en route, on vérifie ce qui pose problème, on fixe les réservoirs d’eau (on avait dû les enlever pour les travaux dans la baille à mouillage et comme ils ont fini hier).

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On retrouve le sourire, après autant de stress.
En parlant de stress, hier, nous en avons eu un bon coup.
Clément était sur le chantier en train de courir partout, jouer avec les chiots, faire le clown.

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On décide d’aller faire nos courses pour avitaillement de départ et la clearence de sortie de Grenade.  Je crois que Clément est avec Edouard et lui pense que Clément est sous mon œil vigilant.  Non, il a disparu, on cherche partout, je parcoure le chantier de long en large, on fouille dans la mangrove, on demande à tout le monde, rien…le stress monte à tel point que je n’arrive même plus à pleurer.  Je me dis qu’il ne nous manquait que cela.  Edouard va au bureau pour appeler les flics, puis il pense au bateau.  A bord il découvre Clément endormi dans sa couchette.
Quel stress !!!
Dimanche 29 à 18h00 les deux nouveaux safrans sont installés, heureusement que Nicolas Roelens ne nous a pas lâché, avec son équipe ils ont bossé le samedi jusque tard et le dimanche toute la journée, chapeau.  Sans cela pas de safrans avant mardi ou mercredi.  L’opération du placement en plongée qui paraît toute simple au briefing demande quand même une bonne dose de force et de souffle pour orienter l’axe dans le trou sans que la pelle du safran ne remonte à la surface, je m’en souviendrai de cette plongée technique.
Voici donc nos derniers moment à Grenade, on fait le bilan, gros trou financier qu’il faudra combler, on ne sait pas encore comment, des charters seraient les bienvenus…On se demande quand même si tout cela est bien raisonnable.
"Un bateau est un trou dans l’eau dans lequel on jette de l’argent" mais il faut surtout savoir qu’autour de ce trou une bande de requins bien organisés rôdent et s’en mettent plein la panse.

Ed 28 juin  - « La loi des séries »

On dit ; « jamais deux sans trois » et quand il s’agit de problème en général les enchaînements se prolongent souvent bien au-delà. J’ai l’impression que cela fait un mois et demi que j’essaye de briser un cercle vicieux à coups de nuits blanches et de rage folle sans y parvenir. Même Evelyne fini par douter de moi. Quand après avoir remis à neuf tout un circuit électrique trois appareils vous pètent dans les mains, du genre un appareil photo digital qu’on avait mis à charger, une télé et la climatisation qui vient d’être réparée, on se dit qu’on a du faire une connerie. Hé bien non, après moult analyses, il s’agit de phénomènes isolés et indépendants dû au hasard. Le plus dure c’est que le temps d’avoir compris et à défaut d’être indemnisé ou au moins un peu rassuré, une autre série de tuile nous tombe dessus. On fini par en rire tellement c’est flagrant. Puisque depuis quelques heures le bateau est enfin de nouveau à flot, je me dis que nous allons enfin pouvoir couler des jours tranquilles ce qui pour un trou dans l’eau n’est pas gagné d’avance. Cet évènement voudra bien peut être introduire un vortex sur cette lois des séries qui n’en fini pas de nous pourrir la vie.

Illusion ! Après avoir un peu dormis nous quittons Grenade vers 6 heures du matin. Pour le coup, une houle musclée nous surprend à la sortie de la passe et mon dernier PC nous lâche, (celui qu’on ne nous avait pas volé). C’est ennuyeux car mon logiciel de navigation comptait sur lui pour nous indiquer la route. Appel d’urgence à la méthode bretonne, Evelyne est blanche et les enfants patraques. Moi j’ai mal au cœur de rage mais surtout je cache mon désespoir. Nous parons les récifs, et traçons la route à contre vent vers la Martinique. Chercher le cousin Arnaud, quelques vivres et des pièces introuvables ailleurs pour les moteurs. Je ne suis pas superstitieux mais là tout d’un coup je doute. Existerait-il réellement une loi des séries maléfiques ?

Ed & Eve 12 Juin 2008 - « Les anneaux magiques »

Grenade, telle sera finalement notre destination.

Contre vents et courants, trois jours de navigation au moteur ont été nécessaire pour avaler les 200 petits miles qui nous séparaient de Grenade.

C’est donc au départ de Puerto La Cruz que nous avons commencé notre remontée vers l’est. On longeait la côte pour gagner du cap, histoire de pouvoir mettre les voiles et être un peu moins nez au vent. Mais, le vent suivait notre progression.  Une première nuit dans les sublimes petites îles de l’autre côté  du parc de Moschima (où d’ailleurs on nous a dit par la suite que les risques d’un braquage étaient de 50 %).  Arrivée de nuit, nous devrons nous y reprendre à 4 fois avant que l’ancre ne se décide à crocher !  Au matin le spectacle s’offre à nous, c’est décidément un très bel endroit.

Toujours cap à l’est, on longe la côte, au soir on est fatigué de ce rythme où nous n’arrivons pas à gagner en cap, on ne s’arrêtera pas à Margarita pour dormir, il vaut mieux continuer.  La route risque d’être longue. On se relaie à la veille, le ronronnement du moteur nous accompagne.

Les journées sont ponctuées par l’apparition de dauphins toujours appréciés par les grands et les petits. Evelyne verra une daurade Coryphène venir la narguer alors que les lignes de pêche ne sont pas à l’eau.
La nuit est synonyme de repos pour les enfants et de veille pour les grands.  Cette nuit-ci, c’est à la voile que la progression se fera, on n’avance pas tout à fait dans la bonne direction (trop Nord) mais tant pis, il faut un peu de repos pour les oreilles.  Etoiles filantes durant cette nuit, que de vœux !!!

Ce dernier jour nous voit accrochés au GPS qui nous donne une estimation de l’heure d’arrivée.  Rien à faire, l’atterrissage, une fois encore se fera de nuit.  Les différents guides consultés le déconseillent….tant pis, on tente le coup.  En fait, très facile tant que sur les 4 balises indiquées deux au moins soient opérationnelles. On a de la chance, trois balises sont illuminées.  On jette l’ancre, elle ne croche pas, une deuxième fois, on recule toujours.  A la troisième, enfin elle tient, mais un bateau voisin nous trouve trop près de sa deuxième ancre et nous demande de bouger de quelques mètres, la quatrième sera la bonne.  Heureusement que le guindeau fonctionne bien.  Une panne de la télécommande au Venezuela avait contraint Edouard à démonter tout le système pour constater qu’il s’agissait d’une rupture dans le câble de la commande, rien de grave. Cela aura permis de tout vérifier et d’avoir confiance dans cet engin indispensable à bord.  En effet, Edouard avait été capable, cette fois là, de remonter l’ancre à la main, mais dans les cas de 4 mouillages successifs, je ne crois pas qu’il y arriverait.
Donc nous voici, heureux, face au chantier (il fait nuit on ne voit pas grand-chose).  Au dodo !

Au réveil, le cadre est enchanteur, le lieu est sublime, tout roule pour notre mise à sec, nous irons durant ce temps là à l’hôtel dit « la Sagesse ».  Le chantier c’est dangereux et pas pratique avec des enfants.  Hôtel, plage, cocotiers, eau douce à profusion, dormir dans un vrai lit sans se réveiller pour prendre son quart ou vérifier que le mouillage tient, enfin du repos.

Grenade était notre île préférée lors de notre voyage en 2000, elle ne nous déçoit pas cette fois-ci encore. Rythme reggae, cool, mais actif.
Le 15 mai le bateau est sorti de l’eau, à 9h00 nous nous dirigeons vers la grue.  2 heures plus tard, le bateau est sur le chantier, calé, prêt pour les premiers soins.

Lors du grutage du jeu dans les bagues de safrans est remarqué. Edouard profite donc que le bateau est sur la grue pour démonter les mèches des deux safrans. Mauvaise surprise, nous avons un sérieux problème. Sur les catamarans en général, les safrans sont très sollicités, (efforts considérables), et leurs points faibles sont les mèches. Ce sont les pièces qui relient les parties mobiles immergées, (safrans), au reste de l'appareil de gouverne. Sur notre bateau, il s'agit de tiges en inox de 40 mm de diamètre en acier HR, (Haute Résistance). Contrairement à l'inox classique, le HR offre une résistance 5 fois plus élevée à la fracture et surtout il ne plie pas. C'est très important pour la sécurité car si une mèche de safran venait à plier, le blocage consécutif de la pelle entraînerait un blocage complet de l'ensemble du gouvernail. La perte pure et simple d'un safran suite à une rupture de mèche permet de continuer à diriger le bateau, (sur un catamaran il y à deux safrans). L'inconvénient c'est que l'inox HR se corrode plus vite et de manière pernicieuse, (effet termite). Il convient donc d'être vigilant et de surveiller les mèches en sortant les safrans lors de chaque mise à sec du bateau. Ce que nous avons fait bateau encore dans les sangles lors de notre sortie d’eau sur le chantier de Genada Marine. Notre bateau à 12 ans et il semble que l'ancien propriétaire quoi que apparemment très méticuleux, ait négligé ce paramètre. Qu'a cela ne tienne. Nous construisons deux nouveaux safrans, ici à Grenade sur des mèches en inox HR que nous faisons venir des Etats-Unis. Edouard supervise personnellement les travaux ce qui nous garanti une finitions et une pérennité des pièces à longue épreuve.

Un autre souci que nous avons rencontré vient du fait que certaines parties du bateau sont construites en "sandwich balsa". C'est-à-dire que entre deux épaisseurs de polyester, (interne, externe), une âme en balsa imprégnée de résine est compressée pour donner de la raideur structurelle. C'est notamment le cas du tambour. Partie du bateau qui se trouve entre les deux coques à l'avant et qui reçois les vagues de plein fouet, (d'où le nom). Si par malheur, de l'eau s'infiltre entre les deux couches de polyester, le balsa s'imbibe d'eau et la structure s'affaibli. C'est ce qui s'est passé sur notre bateau. Une infiltration s'est faite par le trou de la baille à mouillage, (passage de l'ancre). Nous sommes donc en train de refaire cette paroi mais cette fois nous utilisons de la résine vinylester, (plus costaud), sur une structure en nid d'abeille, (non sujette aux infiltrations).

Puisque nous sommes immobilisé pour quelque temps, nous en profitons pour réaliser une foule de petits travaux afin de rendre notre "Carabistouille" super prèt pour le tour du monde que nous avons entamé. Nous savons que une fois dans le Pacifique nous n'aurons pas droit à l'erreur!
Nous visitons aussi Grenade qui est sans conteste la plus belle et la plus sympa des îles des petites Antilles. Végétation luxuriante, (on l'appelle l'île aux épices), faune préservée, (singes, ponte des tortues luth,...). L'ambiance est accueillante et décontractée sans être molle. On est bien loin du cliché habituel des Antilles. Ici les gens travaillent, pêchent, cultivent tout en gardant le sourire. Comme nous ne pouvons pas vivre sur le bateau en chantier, nous avons loué une petite maison à Saint Georges, la capitale de l'île. De notre balcon nous pouvons voir dans le petit stade juste en face les entraînements et les compétitions de basket et de criquet qui se déroule tout les soir. Juste à côté se trouve une académie de musique qui nous berce régulièrement de rythmes endiablés afro cubain. Ici la vie n'est pas très chère, si on consomme local. L'économie est liée au dollar ce qui dans le contexte actuel nous donne aussi un avantage.

Les enfants vont bien. Nous les avons mis à l'école "pre-school" de Grenade. Ils sont en immersion linguistique et culturelle intensive et cela a l'air de leur plaire. Les cheveux bouclés de Clara qui sont la norme ici trouvent sous les mains de sa maîtresse une forme enfin domptée. Clément, notre Tarzan turbulent s'est fait quelque peu réprimandé le premier jour mais je crois que cela lui a fait du bien. Il sait déjà compter jusqu'à dix en anglais.

Pendant ce temps Evelyne et moi nous allons bosser sur le chantier comme des brutes. La chaleur y est extrême surtout à l'intérieur du bateau qui se comporte un peu comme un four pendant la journée. 5 litres d'eau par jour sont nécessaires pour compenser ce que nous perdons en sueur.

"Depuis quelques temps le cabinet de toilette est bouché. Il fait beau mais trop chaud. Le moindre effort me vide. Je suis fatigué. Il fallait démonter le tuyau. Ce ne fut pas une mince affaire pour un corpulent comme moi de se glisser sous les varangues râpeuses d’un réduit chauffé à blanc afin d’en extraire la chose. Les antiques scléroses de bien des années d’utilisation se décrochant au passage de mes recroquevillements  acharnées ne m’épargnent pas de leur poisse odorante. Je me sens dans une galère qui pèse le poids des millions de problèmes qu’il reste à résoudre  pour qu’enfin notre navire puisse continuer à voguer vers des horizons moins pénibles. Il faut dire qu’à l’origine nous avions perdu nos alliances. Gravé sur la face du doigt de celle d’Evelyne il est écrit CARPE et sur la mienne au même endroit est inscrit DIEM. Nous avions voulu consacrer notre union par ce pacte. Profiter de ce serment alors que nous nous battions corps et âme pour ne pas couler dans l’aventure que nous avions entreprise me semblait bien illusoire. Sur un bateau, on ne porte pas de bagues. Ce sont des pièges à drisses et à cabestans qui vous les emportent avec l’annulaire dans un souffle de vent. Rangées dans le coffre aux trésors, nous espérions pouvoir les ressortir avec tous les plaisirs qui s’y rattachent lors d’une escale fastueuse. Là même où rêvent d’aller tout les marins du monde qui trimbalent avec eux  des trésors. Les anneaux avaient disparus. Nos espoirs de les retrouver s’envolaient au gré des claques de soleil et de vent que nous infligeait la mer des Caraïbes. Nous pensions bien que nos deux petits pirates n’étaient pas étrangers à ce sabotage. Mais comment leur en vouloir ? Eux, qui à cause de nous étaient perdus dans cette galère, ne trouvant rien de mieux à faire que de tester la flottabilité de tous les objets se trouvant à bord. Les symboles ne flottent pas surtout quand ils sont gravés dans de l’or.
Le tuyau récalcitrant se trouve maintenant parterre dans le chantier naval ou nous sommes échoués. Comme un serpent aux abois qui meurt en vomissant nous lui faisons subir un solide lavage afin qu’il recrache de ses entrailles les trésors qu’il nous avait volés. C’est ainsi que nous avons retrouvé nos anneaux magiques.

Pendant un moment nous avons pensé rester engluer à tout jamais dans nos contradictions noires nées d’un certain découragement. Aujourd’hui nous savons que la route longue est toujours devant nous et nos cœurs impatients sont de nouveau remplis de force et d’espoir."

 On se reposera quand on arrivera … Dans le port de Panama. Arrivée prévue juillet.

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